C’est le regard qui me préoccupe. Je cherche à rendre sensibles les espaces de seuil qu’il franchit – ou pas -,les dispositifs pour s’exposer ou se soustraire au regard. A évoquer la façon dont on s’en protège tout en ménageant des ouvertures.

Regarder et être regardé : le regard est un va-et-vient. Un passage entre dedans et dehors, entre visible et invisible, entre présence et absence, entre soi et les autres, entre lien et infranchissable.

Cette préoccupation m’a conduite à explorer les voiles et les manteaux, ces pans de tissus superposés, transparents, pesants ou légers enveloppant visage ou corps. Et laissant affleurer une présence, comme si l’essentiel était dessous, dedans, se laissant juste deviner, entrevoir, présence discrète, secrète et silencieuse.

Elle m’a rendue sensible à un autre lieu commun, la fenêtre. Métaphore du regard. Ouverte, fermée, entrouverte, elle suscite et sollicite le regard. Elle est un bord qui nous sépare et nous relie au monde, qui nous protège du monde et nous ouvre au monde.

Intérieur. Là où l’on se tient, se terre, se tait. Là d’où part le regard. Pas d’image. On est derrière l’image. Réserve et guet. Abri, plis, repli, enveloppe. Distance. Solitude.

Extérieur. Ce qui se voit, se laisse entrevoir, attire. Ce qui s’offre au regard. Ce qui fait face. Ce qui ouvre au lointain. Profondeur. Point de fuite.

Tissus, voiles, toile et papier de soie, pigments et encre. Je cherche une matière légère, presque fragile, des superpositions pour évoquer ces seuils, ces voies d’accès, ce presque rien qui sépare – ou unit – dedans et dehors, soi et le monde.

« Etre dans le monde, face au monde, aveugle au monde, spectateur du monde, acteur du monde, las de ce monde, conquérant du monde, etc., autant de postures possibles, pensables à la fenêtre. Comment chacun se lie, ou ne se lie pas à ce monde où nous habitons, voilà sur quoi ouvre la fenêtre. On peut aussi fermer la fenêtre et tourner le dos au monde, bien sûr. » (Gérard Wajcman, Fenêtre)